Fershlugginer
Howdy !
Fershlugginer ? Was ist das ? Qu'est-ce encore que cette nouvelle bestiole que va nous présenter Montana ? Ca se mange ? Un nouvel engin de tortures à neurones ? Encore un truc oiseux pour faire parler les lecteurs plus que de raison ?
Ne vous inquiétez pas, les amis, il ne s'agit pas d'une devinette ni d'un trompe-couillons, mais de vous apporter de quoi combler un peu plus votre culture. Il faut savoir que parfois, des mots entrent dans le langage courant par habitude auditive voire littéraire. Je ne vais pas, par là, venir me vanter de vous faire adopter ce mot un peu bizarre mais vous en faire connaître l'origine car ce mot est devenu d'un usage assez courant aux USA, et en particulier à NYC où il a été remis au goût du jour. C'est vrai qu'à le lire comme ça, ça sonne teuton et d'ailleurs c'en est mais avec un petit accent spécifiquement judaïque car ce mot est complètement d'origine Yiddish et signifie à quelques petites choses près : "sonné", non pas dans le sens d'un tintement de cloche au sens propre mais plutôt celui d'un tintement de cloche dans tout autre sens que vous voudriez lui donner. Bref, un barge si vous préférez. On peut aussi l'écrire "fershluginer", ça se prononce pareil.
Mais il existe un paquet de mots d'origine yiddish. Voici deux sites regroupant une foultitude de ces expressions parfois bien drôles et fidèles au légendaire humour juif, un en anglais, et un en français un peu moins riche (cliquez sur le lien de votre choix).
Oui, bon, d'accord, mais comment est entrée cette expression dans le langage plus ou moins courant aux US ? En 1952, un certain Harvey Kurtzmann, un juif new-yorkais de Brooklyn, connu des BDphiles sous le nom de Kurtz a fondé le magazine MAD, un recueil de BD aussi loufoques que son créateur complètement déjanté, voire satiriques. Kurtz était à la base lui-même un dessinateur mais a rapidement participé aux scenarii des BD. Petite parenthèse dans mon récit, depuis la création de ce magazine, pas une seule couverture n'a échappé à la présence de l'affreux Alfred E Neuman, personnage totalement fictif à qui il manque une dent et dont l'éternel slogan est "What, me worry ?" (Quoi, moi inquiet ?)
Kurtz est arrivé à populariser des expressions typiquement yiddish au travers de ces comics qui ont, non seulement été reprises par les plus grands dessinateurs juifs comme Marcel Gotlib par exemple, mais également au cinéma par Mel Brooks entre autres, et surtout par les gens de la rue eux-mêmes. Aux US, il arrive certaines fois, par exemple, que des automobilistes traitent leurs congénères de "meshugge" (fou) à défaut de "f.ck" même si les deux sont également souvent combinés "You f.ckin' meshugge". Et parmi les initiés, certains ont même inclus le fameux "fershlugginer" et d'autres mots venus de la culture Kurtz comme "Potrzebie" (mot d'origine polonaise qu'on peut, ô miracle du langage, prononcer en français par "peau de z.bi") dans la mesure où le magazine MAD a largement participé à cette idiomisation.
Quelques délicieux exemples issus de MAD :
Cliquez sur les vignettes pour agrandir
MEL BROOKS dans "Le Sheriff est en prison" (Blazing saddles) où l'on voit une famille de pionniers noirs encerclés par des indiens qui parlent en ... yiddish :
Puis un peu de musique klezmer joyeuse et sautillante pour rester dans le sujet :
Et pour finir, voici une blague racontée la veille par l'ami Legio qui a dû pressentir que cette petit histoire me ferait un peu plus que sourire. La voici en cadeau :
Un jeune inspecteur tatillon des Impôts est envoyé pour un contrôle fiscal à la Grande Synagogue de Paris.
Impitoyable, il pose de nombreuses questions au rabbin :
- Et que faites vous des restes de cire et de bougies ?
- Nous les renvoyons à notre fournisseur qui, une fois l'an, nous offre un paquet de bougies.
- Et les restes de baguettes, toutes ces miettes, qu'en faites-vous?
- Mais, la même chose, nous les expédions a notre boulanger et une fois l'an, il nous donne gratuitement un pain supplémentaire.
Moqueur, l'inspecteur ajoute : Et ce qui reste des circoncisions... toutes ces petites peaux...qu'en faites-vous ?
Placide, le rabbin répond : Mais, comme pour le reste, nous les envoyons aux Impôts et une fois l'an, ils nous envoient un gland !