Mother Road
"It winds from Chicago to L.A."
Chose promise, chose due, depuis le temps que je vous raconte ce périple de ce dernier été 2008 qui nous a mené dans quatre états, NON, ça n'est pas encore la fin du voyage mais le CLOU de ce voyage. Clou qui n'aura duré qu'une journée à peine mais avec des souvenirs impérissables dans nos têtes où se sont mêlés émerveillement et émotions. Je préfère vous prévenir que ce billet va être exceptionnellement long.
We got our kicks on ...
Je ne vais pas vous conter l'histoire de la mythique Route 66 dont le nom est prononcé là-bas en français (uniquement le mot "route" pour le reste c'est "sixty-six"), d'autres sites font ça mieux que moi. Elle est tout de même surnommée "Mother Road" à cause de toutes les migrations qu'elle a engendrées, durant la grande crise de 29 aux US, vers la Californie, alors nouvelle terre promise, un long couloir de près de 4000 kilomètres couvrant huit états. Il est clair que l'aspect mythique de cette route ne pouvait que me motiver pour y faire au moins un petit détour et surtout tenir la promesse que j'avais faite à un ami. Petit historique de cette promesse :
En automne 2007 a eu lieu le salon de la moto à Paris où j'ai rencontré Jo (alias Jorider), un ami motard lorrain, venu avec un groupe de ses propres amis, eux-mêmes motards, visiter ce salon où nous nous sommes pris à rêver aux Harley Davidson et aux périples que nous pourrions faire aux US avec de tels engins. Parmi ces personnes, il y avait Gégé, un homme gentil et passionné qui a pris son temps pour largement se renseigner sur les raids organisés sur les routes américaines en Harley, un cadeau qu'il voulait s'offrir pour l'année suivante.
Gégé est derrière moi
(Jo, tu as raison, la HD Heritage Softail est vraiment faite pour moi)
Or, un peu plus d'un mois après le salon, Isa, la femme de Jo m'envoie un terrible mail où elle m'annonce le départ de Gégé pour un monde meilleur, tombé brusquement malade. Jo est effondré et ne peut s'exprimer, terrassé par la peine immense qui vient de le frapper. J'ai du mal à contenir ma propre peine malgré le fait de n'avoir connu Gégé que durant quelques heures où j'ai pu deviner en lui un homme fait que de bonté. C'est alors qu'en réponse à ce mail, comme poussé par une volonté divine, je m'engage à accomplir le rêve de Gégé et coller sa photo (ci-dessus avec Jo) sur le poteau d'un panneau de la Route 66, puisque de toutes façons j'avais prévu d'y aller l'été suivant, et laisser les éléments faire leur oeuvre en emportant son âme sur cette route mythique. J'étudie donc le parcours entre Tulsa et Oklahoma City, la capitale de l'état par laquelle passe la Route 66, quand tout à coup je tombe sur cette image via Google Map entre Davenport et Chandler :
Nom de d'là ! C'est bien la première fois que je vois ce genre de chose sur une image satellite. Mais qu'est-ce que ça peut bien être ? Je fais un agrandissement maximum du lieu et distingue au niveau de cette croix, des arbres et des haies, et une curieuse maison en son presque milieu.
Visiblement, ça n'est pas un champ. J'ai déjà vu des champs ronds aux US en avion (voir ci-dessous) mais rien qui ressemble à un chemin en forme de croix celtique.
Je consulte alors de très nombreux sites dédiés à la Route 66 et tente de contacter leurs webmasters pour leur demander ce que signifie cette route en forme de croix celtique qui n'est pas référencée chez eux, si c'est une curiosité locale mythique, un rendez-vous de bikers ou que sais-je encore. AUCUNE réponse ne m'a été apportée, ni de "vétérans" de la 66, américains ou européens, ni des "historiens" de Mother Road qui me demandent de leur écrire à mon retour pour le leur dire car personne ne sait à quoi ça correspond ni ce que c'est. Eh bien, dans ce cas, je décide que c'est LA précisément que je rendrai hommage à Gégé en accomplissant ma promesse.
Nous quittons Tulsa via Sapulpa au sud ouest de la ville comme la Route 66 est coupée au niveau de Blue Dome District (voir billet précédent) où tout le secteur est en chantier de rénovation qui, en ce dimanche, ressemble à une ville fantôme avec ses boutiques désaffectées et ses immeubles bas, de deux étages maxi, tombant en ruine, sans compter la chaussée largement défoncée. C'est donc à la sortie de Sapulpa que nous arrivons enfin sur Mother Road avec Bristow comme première étape à quelques kilomètres de là. Nous sommes un dimanche, tout est fermé, et cette petite ville, à l'instar des autres que nous croiseront, semble être à l'abandon.
La chaleur est accablante alors que nous arrivons à l'étape suivante à Depew où nous trouvons une petite épicerie Spangler's, avec des rayons quasiment vides, pour acheter des rafraichissements et des amuse-gueules en attendant la prochaine étape où nous avons prévu de nous restaurer au Rock Café, un resto mythique de la 66. Autour de Spangler's, nous sommes émerveillés par les peintures murales sur certaines maisons tout du long de cette petite rue. Reprenant la 66 sur le restant de Depew, tout comme à Bristow, tout semble désert et au vu des stations d'essence à l'abandon, c'est là qu'on sent tout le passé historique de cette célèbre route.
Enfin Stroud, nous allons pouvoir déjeuner dans le style 66 et se la péter Kings of the Road au Rock Café, surtout que la faim commence à chatouiller l'estomac. OUI MAIS, grande désillusion, la seule odeur de Bar-B-Que qui nous arrive aux narines sont les restes du "feu" (jeu de mot volontaire) Rock Café. L'incendie qui a ravagé ce lieu mythique est très récent (le 21 mai 2008). La peine qu'une légende de 1930 comme celle-ci, où on servait notamment les fameux beignets de tomates vertes, soit partie en fumée nous tenaille plus que la déception de ne pas déjeuner. Tout ce qu'il reste est la petite boutique adjacente de souvenirs de la 66, Mamie's General Store qui, miraculeusement, n'a pas été touchée. Désappointés, nous repartons vers la prochaine étape.
Le Rock Cafe : années 30's, 90's et maintenant :((
A l'entrée de Davenport, le Dan's Bar-B-Que Pit nous tend les bras pour assouvir notre faim grâce à un déjeuner digne de cette route de légende, histoire de nous faire oublier un peu la peine du Rock Café. Pour quelques petits dollars, on a un repas gargantuesque avec, autour de nous des "survivants" des années passées, restés accrochés à ces lopins de terre rouge, des papys et des mamies dans leurs habits et coiffures du dimanche qui fleurent encore bon les 60's, tout comme le décor extérieur. Ils répondent à notre salut par un mouvement de tête avec tout de même une certaine méfiance et des regards plein de curiosité. Une charmante dame d'un certain âge parmi eux vient nous parler en fin de repas, subjuguée par notre accent où elle nous avait pris dans un premier temps pour des allemands. Son regard s'éclaircit quand nous lui annonçons être français, surtout que nous sommes en famille comme une façon de les rassurer. Il faut dire qu'avec tous les bikers tatoués qui passent habituellement dans le secteur, ça les change un peu.
Nous sortons de la ville et tentons de trouver l'endroit exact où je vais enfin accomplir ma promesse, ce fameux endroit représenté par cette croix si mystérieuse, vue du ciel, se trouvant à l'intersection gauche de la route 66 et de la N3490, soit au prochain croisement. Tout ce que nous voyons, face à nous, est une station de pompage d'eau et la vue à gauche est masquée par des arbres. Nous prenons donc la première à gauche sur la N3490 et en fait ce lieu si mystérieux est un ... cimetière. En effet, ceci expliquant cela, il s'agit d'un cimetière presbytérien, d'où la forme de la croix. Non, il est hors de question de mettre la photo de Gégé à cet endroit, mais bien sur un poteau marqué Route 66 comme prévu. Ca tombe bien, nous en avons repéré un à quelques dizaines de mètres en retournant sur nos pas. C'est donc là que j'accomplis ma promesse avec une très forte émotion bien visible sur la photo suivante.
C'est à Chandler, l'étape suivante que je vais accomplir une seconde promesse pour une autre de nos amies, ramasser un peu de cette terre rouge omniprésente sur la Route 66. A l'instar des autres étapes, nous débarquons dans une ville quasiment déserte qui n'a pas bougé depuis les 50's comme en témoignent les photos. Décidément, j'ai mal choisi mon jour comme tout est fermé, y compris le CHIC, musée dédié à l'histoire de la Route 66.
Nous voici arrivés à la dernière étape de notre parcours à Arcadia avec plusieurs curiosités incontournables avant de nous poser à Edmond, elle-même située sur la 66 au nord d'Oklahoma City. Parmi ces curiosités on trouve le fameux Round Barn, une ancienne étable datant de 1898 bâtie en rond pour résister aux tornades, aujourd'hui transformée en magasin de souvenirs uniquement sur le thème de Mother Road. La partie supérieure sert également de salle de fêtes et de danse pour les autochtones.
Il fait toujours aussi chaud et il est temps de nous désaltérer dans un autre lieu incontournable. Il s'agit de la station service Pop's dont la spécialité n'est pas la seule distribution d'essence mais aussi et surtout de proposer le plus grand stock de sodas au monde provenant justement du monde entier (même de France), la clientèle ne désemplit pas. J'espère pouvoir retrouver le fabuleux soda à la fraise que j'avais consommé comme un gamin sur la route de Nashville en 1996 mais difficile de le reconnaître parmi la vingtaine de marques différentes. Le plus curieux dans cet endroit tout autant curieux, ce sont ... les bikers qui en achètent par quantités impressionnantes. Habituellement, on imagine que ces gars barbus et virils, tatoués de partout, bagousés à chaque doigt et coiffés de bandanas, ne carburent qu'à la bière glacée. Eh bien là, nous avons la preuve que non, ils jouent le jeu à 100% et malgré leur mine patibulaire, ils sont plutôt sympas et bons enfants, presque propres sur eux. Hallucinant, ils rendraient dingues nos Hell's Angels. Il est IMPOSSIBLE de louper Pop's quand on roule sur la Route 66, surtout avec son immense statue en forme de bouteille de soda visible de très loin et qui s'illumine de couleurs chatoyantes à la nuit tombée.
A la limite d'Edmond, encore plus grande que la bouteille de soda de Pop's, on distingue une immense croix blanche. Nous pensons que c'est encore une curiosité de Mother Road et cherchons comment s'en approcher comme aucune indication de direction n'apparaît dans le paysage. Nous finissons par arriver sur un immense parking à proximité d'un grand bâtiment sur lequel est inscrit ... "Lifechurch TV". Eh oui, cette immense croix est l'enseigne de la télé évangéliste locale. Quand on voit la taille du lieu, on peut toujours essayer de la comparer avec celle de nos radios et télé nationales. Gloups ! Quand j'avais vu, en 97 à Nashville, une congrégation évangélique occuper tout le stade de football local, j'imagine le taux de remplissage du parking de Lifechurch TV quand cette chaîne réunit ses ouailles. Mein gott !! (je sens que ça va commenter ferme là, n'est-ce pas chers expat' ?)
C'est sur cette note pas très rock'n'roll que notre périple sur la Route 66 prend fin. Toutefois notre dose d'émotions n'est pas encore complète, elle vous sera contée dans mon prochain billet, plus court cette fois, sur notre dernière étape dans cet état, Oklahoma City.