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These boots are made for walkin' - The Montana's Ranch
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9 décembre 2008

Anthologie de la chanson tartignole 1

Howdy !

Suite à la playlist de la semaine proposée de haut vol par mon ami Noisy, je me suis remémoré quelques délires verbaux que j'ai pu pondre en 2001, alors que j'étais célibataire, dans un petit recueil que j'ai intitulé "Anthologie de la chanson tartignole". Il s'agissait par là de décomposer les chansons du meilleur cru que la variété française ait pu nous produire depuis les années 60 dans une étude très sérieuse et très poussée des textes (et des thèmes musicaux) de ces chansons. Je vous invite donc, si la longueur du baratin suivant ne vous effraie pas, à un voyage au pays de la chanson nazebroque dans lequel vous avez le droit de rire. Ma première victime fut donc Annie Chancel, alias Sheila et son tube interplanétaire intitulé "L'école est finie". Voici donc ci-dessous la fameuse chanson que je vous invite à écouter pour bien assimiler l'étude qui va en être faite.

L'école est finie - Thème à haute réflexion.
Paroles : André Salvet, Jacques Hourdeaux - Musique : Claude Carrère

sheila

Etudions un peu cette chanson interprétée en 1963 par la célèbre chanteuse Sheila et essayons de déterminer l'essence même de ce texte qui a dû mettre en ébullition le cerveau de ses auteurs. Nous éluderons dans cette étude, autant que possible, l'aspect purement musical de cette chanson à succès où, vers la fin du morceau, le saxophoniste s'en donne à cœur joie dans la pure expression de son instrument, confortant, au passage, le grand plaisir créatif de son compositeur. Commençons donc par détailler le refrain, puisque la chanson démarre ainsi :

"Donne-moi ta main et prends la mienne,"

S'agit-il à ce niveau d'un souhait exprimé par les auteurs sous couvert de la chanteuse, ou bien d'un ordre impératif ? Etudions ces deux aspects :

S'il s'agit d'un souhait, aucune expression ne laisse supposer que ça plairait à l'interlocuteur dont on ignore le sexe, d'autant qu'aucune précision dans le restant du texte de la chanson ne vient étayer l'hypothèse qu'il pourrait s'agir d'un jeune garçon. Nous ne mettrons pas en avant l'éventuelle homosexualité des auteurs de cette chanson qui, vu le contexte de l'époque, aurait été mal acceptée, les mœurs ne s'étant pas encore libérées et l'émancipation de la femme étant encore de loin d'actualité. Bref, admettons qu'il s'agisse d'un garçon et revenons-en au fait qu'il ne s'agit pas d'un souhait mais bel et bien d'un ordre. Comment aurait dû donc réagir cet interlocuteur mâle à qui la demande est faite ? Soit c'était un garçon de fort tempérament, dans ce cas il aurait refusé cette injonction de prendre la main de la chanteuse et de lui donner la sienne, soit il l'aurait acceptée et rien ne nous dit qu'il ne souffrira pas plus tard d'un éventuel complexe d'infériorité, surtout dans le contexte de l'époque, d'autant que, là encore, nous ignorons si le sujet est censé éprouver un quelconque sentiment d'affection pour la chanteuse. Bien, nous voyons à quel point rien que la première phrase du refrain peut nous faire réfléchir. Imaginons donc ce que va être la suite, mais accélérons quelque peu le mouvement.

"La cloche a sonné, ça signifie,
La rue est à nous, que la joie vienne,
Mais oui, mais oui, l'école est finie."

Revenons un peu au contexte de l'époque où cette chanson a été créée, soit en 1963. La rue n'a réellement été appropriée par la jeunesse que quelques cinq années plus tard, un certain mois de mai 1968. Ce qui signifie que la révolution estudiantine commençait déjà à couver dans le cocon familial, les jeunes refusant déjà l'autorité parentale. En effet, il ne faut pas rêver. A cette époque quand la cloche sonnait, on avait plutôt intérêt à rentrer dare-dare chez soi, surtout pour une fille, afin d'éviter la correction et dans le pire des cas, aller directement au lit sans manger ni boire, et à plus forte raison si on était mineur comme c'est le cas pour Sheila qui va nous le prouver dans le couplet unique de la chanson. De plus, aucune indication ne nous est fournie pour nous préciser à quelle période de l'année se déroule l'histoire. S'agit-il d'une sortie d'école quotidienne ou bien annuelle ? Partons du principe qu'il s'agit bien d'une fin estivale de l'enseignement (secondaire, vu l'âge des protagonistes de cette chanson, autrement ils auraient été à plaindre) car nous verrons mal l'action se dérouler en plein hiver sous la neige. Enfin, si tel était le cas, il est de notoriété que la "joie vienne" quand il s'agit d'une bonne bataille de boules de neige. Ah ah ! Hum ! Pardon, nous nous égarons.

"Nous irons danser ce soir peut-être
Ou bien chahuter tous entre amis,
Rien que d'y penser j'en perds la tête,
Mais oui, mais oui, l'école est finie."

Cette fois, les deux premières phrases de ce second refrain ne laissent pas entrevoir un quelconque ordre péremptoire mais bel et bien une alternative entre danser OU chahuter. Ce qui signifie toutefois que la combinaison des deux ne peut être de mise, et là ça peut être mal interprété. Une chose laisse toutefois supposer que la danse reste une éventuelle option, car il n'est pas évident qu'ils puissent s'y adonner. En effet, la chanson ne précise pas le lieu de l'action (Paris ou province) et dans ce cas, aucune boîte de nuit de l'époque n'autorisait de mineurs dans son enceinte (et aujourd'hui encore, normalement), pas plus qu'il était évident qu'un appartement parental ou non fût libre pour une soirée de danse. En revanche le chahut ne laisse aucun doute quant à cette éventualité. Alors, nous pouvons comprendre que la chanteuse en perde la tête, ne sachant pas encore très bien elle-même comment tout cela va se terminer, à part la certitude que l'école est bien finie, raison pour laquelle elle reprend, juste derrière ces phrases, le premier refrain pour étayer son affirmation. Il faut encore remarquer une chose à propos de ce second refrain, c'est que musicalement, la chanteuse s'est sentie forcée de monter son interprétation d'une octave au risque de se rompre les cordes vocales pour bien affirmer qu'elle se trouve devant une dure décision à prendre et le fait savoir à son interlocuteur qui ne semble pas avoir saisi son désir lors du premier refrain.

Musicalement parlant, la reprise du premier refrain est effectuée par les chœurs, et chaque phrase, prise comme une confirmation de l'ordre démontré en début de cette étude est ponctuée par une intervention de la chanteuse. Par la suite, l'auditeur a le temps de digérer ce qui vient d'être chanté grâce au solo du fameux saxophoniste. Enfin, nous arrivons au point culminant de notre étude, car nous allons aborder l'unique couplet de la chanson dans lequel une intense réflexion va nous demander une exceptionnelle énergie. Non, non, il ne faut pas plaisanter avec ça, l'exercice est d'une réelle difficulté. Venons-en à ce fameux couplet.

"J'ai bientôt dix-sept ans et un cœur tout neuf"

Arrêtons-nous déjà sur cette première phrase. La chanteuse affirme qu'elle n'a pas encore dix-sept ans et a déjà été transplantée d'un cœur avant même le fameux exploit du docteur Christiaan Barnard en 1967 au Cap (Afrique du Sud). Nous sommes donc obligés de constater que la longévité de l'artiste a perduré contrairement au premier patient de ce chirurgien qui a survécu dix-huit jours. Le seul problème est que la chanson ne révèle pas le nom du médecin de la chanteuse qui aurait dû recevoir le prix Nobel pour avoir réussi cette transplantation en 1963 et de voir que Sheila survit toujours, quarante ans après les faits. Revenons un peu sur l'aspect musical de cette partie. En effet, l'auditeur aura remarqué qu'entre cette phrase et la suivante, un double coup de percussion qui ressemble à la fois à celui d'un fusil de chasse mixé avec celui d'une paire de cymbales d'orchestre vient ponctuer cette affirmation ou bien nous laisser croire que le cœur tout neuf faisait justement suite à un accident de chasse.

"Et des yeux d'ange,"

Nous faisons ici face à deux possibilités. Primo, cette affirmation laisse supposer que l'opération a réellement échoué et que la chanteuse est décédée car le coup de feu l'avait trop amochée, et qu'elle s'adresse à son jeune compagnon depuis les cieux, étant devenue un ange. L'actualité nous prouvera le contraire. Soit les auteurs qui étaient déjà morts, après un duel qui a mal tourné, ont pu affirmer que Sheila avait bien des yeux d'ange après lui avoir insufflé ces paroles depuis les hautes sphères célestes. Les mauvaises langues diront que ces fameux yeux d'ange l'ont tellement marquée qu'elle s'est sentie obligée de se faire faire un lifting quelques trente années plus tard pour les faire ressortir. Enfin, si le chirurgien était bien le même que celui qui a procédé à la fameuse transplantation d'un cœur tout neuf pour Sheila, il n'y eut aucune raison pour qu'il échouât celle-là. On pourrait aussi penser à une métaphore quant au fait que les auteurs préféraient voir chanter leur œuvre par Sheila plutôt que Pauline Carton, voire Edith Piaf, qui n'était plus très loin du statut d'ange quand cette chanson est sortie, sauf que la phrase précédente nous a appris, in petto, qu'une telle éventualité fût impossible vu l'âge de cette fameuse Pauline.

"Toi tu en as dix-huit mais tu en fais dix-neuf,
C'est ça la chance"

Déjà, à cette époque, on ne pouvait parler de détournement de mineurs puisque la majorité était à vingt et un ans. Donc, les deux protagonistes sont tous deux mineurs mais … que ce serait-il passé si ce jeune homme (puisque nous supposons toujours qu'il s'agit bien d'un garçon) ne faisait pas dix-neuf ans mais un de moins ? La question reste posée quant au fait de la chance. C'est donc ici qu'on en vient à cogiter sur la nature même de cette chance qu'aura pu saisir la chanteuse de s'adresser à un interlocuteur qui ne faisait pas son âge. Il est vrai que les hommes ont plutôt tendance à vouloir se vieillir devant une jeune femme et se rajeunir devant une plus âgée, mais là n'est qu'apparence. Là encore, l'auditeur peut se laisser berner sur le simple aspect physique du jeune homme car les auteurs laissent planer un doute sur son possible âge mental. Si c'était déjà un crétin congénital, le fait de paraître un an de plus risque de le faire passer pour plus dégénéré qu'il ne l'était déjà. Est-ce alors une réelle chance pour l'artiste d'être confrontée à un tel idiot acceptant un ordre aussi banal que celui de lui donner sa main et prendre la sienne, et dans quel but hein ? Tiens, d'ailleurs, on se souviendra du scopitone de cette chanson où Sheila l'interprétait sur une bicyclette (voir ci-dessous). C'est vrai quoi, si le jeune homme lui avait donné sa main et pris la sienne, ils se seraient cassé la figure tous les deux. Non mais, c'est sur la gueule qu'elle va finir cette main, oui ! Bon, calmons nous. On peut voir comment une chanson de variété peut mettre certains esprits dans un émoi peu contrôlable et reprenons le libre court de notre réflexion (n'empêche, te pète ta gueule moi).

Ne nous attardons pas sur la reprise du second refrain, et passons à la troisième variante de ce refrain.

"Donne-moi ta main et prends la mienne,
Nous avons pour nous toute la nuit,
On s'amusera quoi qu'il advienne,
Mais oui, mais oui, l'école est finie"

C'est bien ce que nous disions. Cette chanson est bien une prémonition quant à la naissante émancipation de la femme et le refus de la jeunesse de se laisser enfermer dans le cocon familial. On peut entrevoir une décadence de la société occidentale où les parents laissent leurs enfants mineurs aller se dévergonder sur la voie publique ou dans quelque lieu de débauche sans aucun remord. Vu le contexte de l'époque, la trique n'était pas loin, et nous parlons bien de cet objet contendant utilisé parfois par quelque parent jaloux de cette liberté à laquelle ils n'avaient eu droit dans leur ancestrale éducation, et non d'autre chose, bande de vicelard(e)s. Mais non, nous ne sommes pas réacs. Et voici donc la chute tant attendue de cette chanson :

"Au petit matin, devant un crème,
Nous pourrons parler de notre vie,
Laissons au tableau tous nos problèmes,
Mais oui, mais oui, l'école est finie."

Là encore, nous sommes face à une proposition émise par la chanteuse quant au choix du petit déjeuner après une sulfureuse nuit sans avoir peut-être dansé mais forcément chahuté entre amis (qui a parlé d'échangisme dans la classe ? qu'il lève le doigt !). Enfin, il vaut mieux refaire le monde devant un crème, sauf pour ceux qui ne supportent pas les laitages, que devant un ballon de rouge, quoiqu'au petit matin, il faut vraiment être fêlé pour avaler ça après une nuit où l'haleine n'équivaut sûrement pas à la rosée du petit matin (je n'ai pas dit rosé, notez bien). En tout cas, si cette bande de jeunes cogite déjà en ces heures matinales là où ils auraient pu le faire en cours de philo sur le sens de leur vie entre dix-sept et dix-huit ans qui en font dix-neuf, c'est que le chahut ne devait pas être à la hauteur de leurs attentes. Bref, ils se seront autant emmerdés qu'en classe. Pauvre jeunesse, nous comprenons qu'ils en aient eu leur claque en 1968, cette chanson était bien une prémonition.

Synthèse sur le succès d'une chanson de variété :

La meilleure recette pour écrire une chanson qui fonctionne dans le show-biz se résume donc à soumettre un jeune interlocuteur à un ordre péremptoire dans lequel des promesses d'amusements ne seront pas tenus, à faire passer l'artiste sur une table d'opération après un accident de chasse et le faire chanter outre-tombe, et terminer dans un café louche au matin après une terrible soirée d'ennui en fin de période scolaire. Aujourd'hui, ça donnerait à peu près cela (vous n'êtes pas obligés de cliquer dessus) :

"Laisse-moi, zoum zoum, zen, dans ta Ben's ben's ben's …"

Pauvre France !!!

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Commentaires
M
@Ariana : je pense qu'à l'instar de la chanson US dans le style americana ou country, la chanson française acoustique va revenir avec quelques bonnes pointures dans la mesure où les gens commencent à en avoir suffisamment soupé du rap et autres âneries de haut vol télévisuelles. Ah espoir quand tu nous tiens !
A
tres drole, Sergio.<br /> mon hebreu est meilleur que mon latin.<br /> Renan Luce, hum...<br /> C'est pas beaucoup, mais c'est un commencement... thanx!
M
@Ariana : Pour les non initiés (dont moi qui a dû aller chercher sur Google) "Hic et nunc", expression latine signifie "Ici et maintenant". Moralité, la chanson actuelle, notre amie ELLE (voir la rubrique "C'est chez ELLE que ça se passe") la dépeint à sa manière avec un titre de Jenifer, une "chanteuse" hic et nunc issue d'une de ces insupportables émissions de télé-réalité appelée ici "Star Academy" (deux secondes, je gerbe et je reviens). Bref, la chanson française a mal au Q en ce moment entre le rap et la chanson cass'dalle. Elle a oublié d'être comme à une certaine époque, anecdotique où on raconte des histoires aux gens pour les faire rêver, rire ou pleurer dans lesquelles ils se reconnaissent. Aujourd'hui, on émet des idées à l'emporte pièce dans un "joyeux bordel" qui n'a ni queue ni tête avec des mots biens ciblés dans un but purement marketing comme dans les 80's et 90's où une chanson devait contenir au moins les mots "equateur" ou "danse" pour qu'elle tente d'être un tube.<br /> <br /> Dans la nouvelle génération, il y en a qq uns qui s'y essaient et ne s'en sortent pas trop mal comme Renan Luce et quelques autres même si je ne suis pas 100% adepte.<br /> <br /> Quant à "Tartignole" je ne peux placer ce mot que dans son contexte propre, à savoir une chanson dont les paroles sont tellement idiotes qu'elles sont retenues par le public, même par celui qui ne l'apprécie pas du tout. Si par exemple, je te cite "J'ai bien mangé, j'ai bien bu, ..." et que je te demande la suite de ce célèbre refrain de Patrick Topaloff, je doute fort que tu me répondes "je suis bien bourrée et bien bourrue". Allez, avoue :))))<br /> <br /> Bon, une p'tite blague juive juste entre nous :<br /> <br /> Moshe et David se rencontrent après de très nombreuses années, et vont fêter leurs retrouvailles au bar du coin. Ils discutent ainsi du matin au soir, et boivent coups sur coups. Au moment où le patron decide de fermer. Moshe dit : "Je vais payer"<br /> David : "Naan laisse, c'est pour moi"<br /> - Naan, pour moi, depuis le temps, tu parles<br /> - Naan, moi, arrête tes conneries<br /> - Naan, moi<br /> - Mais nan, moi<br /> ... et ainsi de suite jusqu'à ce le patron devienne dingue et leur propose ceci :<br /> "Bon, les gars, je dois fermer, alors le temps de ranger les tables, voici chacun une bassine d'eau. Vous mettez vos têtes dedans et le premier qui la sort paie pour l'autre"<br /> ...<br /> ...<br /> ...<br /> Ils se sont noyés tout les deux :))))
A
et, BTW, le mot tartignole, tu le classes où?
A
dis-moi, grand maitre, tu pourrais nous faire des commentaires de la chanson française d'hic et nunc? Parce que j'aimerais bien savoir ce qui se passe en France à ce niveau là!<br /> <br /> Et hop! une nouvelle idée de billet pour toi!<br /> <br /> + une blague juive, please?
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